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Santé

Le Drilling Ovarien

Le drilling ovarien, qu’est-ce que c’est ?

Le drilling ovarien est une technique chirurgicale qui consiste Ă  rĂ©aliser des micro-perforations au niveau de l’ovaire (destruction de 5 Ă  10% du cortex ovarien) afin d’amĂ©liorer les chances d’une grossesse spontanĂ©e.

Les mĂ©canismes physio-pathologiques ne sont pas encore totalement connus mais l’objectif est de restaurer des ovulations spontanĂ©es, pour obtenir une grossesse spontanĂ©e et naturelle « Ă  la maison Â», sans aide de la PMA.

Cette chirurgie est indiquée dans le cas du Syndrome des Ovaires Polykystiques (SOPK) avec présence

  • d’ovaires riches en follicules : prĂ©sence d’au moins 20 follicules antraux sur l’un des deux ovaires (on parle souvent d’« ovaires polykystiques Â» ou « micro polykystiques Â» ou « OPK Â»)
  • d’une anovulation (= absence d’ovulation) ou une oligo-anovulation (= ovulation irrĂ©guliĂšre, avec des cycles > 35 ou < 21 jours, soit moins de 8 cycles par an). 
  • d’échec de traitement mĂ©dicamenteux de premiĂšre intention (Clomid, Letrozole, Metformine)

Cet article a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© Ă  la suite d’un entretien avec le Docteur Margaux JEGADEN, GynĂ©cologue mĂ©dical et obstĂ©trique dans le Service de GynĂ©cologie ObstĂ©trique Ă  l’HĂŽpital BicĂȘtre.

Cet article est Ă©galement publiĂ© chez SOPK Europe, oĂč je suis chargĂ©e du comitĂ© scientifique. Bonne lecture !

Quelles sont les propriĂ©tĂ©s du drilling ovarien ?

Le drilling ovarien a plusieurs avantages :

  • Il permet de restaurer les cycles fĂ©minins (normalisation du ratio LH/FSH) avec des ovulations spontanĂ©es, dans le cadre d’un projet bĂ©bĂ© : 50 % de chances d’ovulation spontanĂ©e dans les 3 mois qui suivent l’opĂ©ration et 80% de grossesse spontanĂ©e dans la premiĂšre annĂ©e du drilling.
  • il diminue le nombre de follicules antraux dans l’ovaire et l’AMH.
  • Il limite le syndrome mĂ©tabolique
  • Il limite l’hyperandrogĂ©nie (diminution de la testostĂ©rone) ainsi que ses symptĂŽmes: diminution de l’acnĂ©, de l’hyperpilositĂ© (hirsutisme) et de la chute de cheveux (alopĂ©cie androgĂ©nique).

Les bĂ©nĂ©fices du drilling ovarien sont observĂ©s sur le long terme (en moyenne 9 ans), ce qui permet aux femmes d’avoir plusieurs grossesses spontanĂ©es, sans devoir repasser par la case PMA.  

Les bĂ©nĂ©fices secondaires liĂ©s Ă  la prĂ©vention du syndrome mĂ©tabolique et de l’hyperandrogĂ©nie perdureraient Ă©galement sur la mĂȘme durĂ©e.

Quand peut-on rĂ©aliser cette technique lorsque l’on souffre d’infertilitĂ© ?

Le drilling ovarien reste un acte chirurgical pour le moment, un geste « invasif Â»  (mais nous verrons dans le suite de cet article que les techniques se perfectionnent đŸ˜Š).

Le drilling ovarien est donc recommandĂ© en deuxiĂšme intention chez les patientes atteintes du SOPK aprĂšs Ă©chec d’un traitement mĂ©dicamenteux (type Clomid ou LĂ©trozole ou Metformine).

L’échec des traitements mĂ©dicamenteux de 1Ăšre intention est dĂ©fini comme suit :

  • soit aprĂšs 3 cycles anovulatoires avec des traitements mĂ©dicamenteux Ă  dose maximale
  • soit aprĂšs 6 cycles avec ovulation mais sans grossesse.
  • soit aprĂšs une hyperstimulation ovarienne Ă  dose minimale

AprĂšs Ă©chec des traitements de 1Ăšre intention, on peut :

  • soit envisager un drilling ovarien
  • soit rĂ©aliser une stimulation ovarienne par gonadotrophines (injections d’hormones).

Remarque 1 : Lorsque le drilling ovarien est associĂ© Ă  une nĂ©cessitĂ© de chirurgie conjointe alors celui-ci peut ĂȘtre proposĂ© en 1Ăšre intention. Par exemple, en cas d’ovaires polykystiques anovulatoires avec malformation utĂ©rine, le drilling ovarien pourra ĂȘtre proposĂ© en 1Ăšre intention pour une prise en charge complĂšte.

Remarque 2 : Lors du drilling ovarien , on peut Ă©galement, si besoin et dans le mĂȘme temps faire une Ă©valuation tubaire (Ă©valuation de la permĂ©abilitĂ© des trompes) et un bilan de la cavitĂ© utĂ©rine (hystĂ©roscopie).

Quels sont les avantages du drilling ovarien par rapport au traitement par gonadotrophines ?

Le drilling ovarien prĂ©sente plusieurs avantages par rapport au traitement par gonadotrophines :

  • ses effets sont durables (9-10 ans environ) : il permet donc aux femmes d’avoir plusieurs grossesses spontanĂ©es Ă  la maison, sans avoir recours Ă  l’aide de la mĂ©decine pour chaque nouvelle grossesse.
  • il n’y a pas de risque de sur-stimulation ovarienne (risque de grossesses multiples)
  • cette technique est moins contraignante et permet aux femmes qui le souhaitent de concevoir « naturellement Â» . Le traitement par gonadotrophines impose quant Ă  lui un suivi mĂ©dical trĂšs rĂ©gulier qui peut parfois ĂȘtre lourd pour les patientes et le couple (Ă©chographies, prises de sang, etc.).
  • le drilling ovarien offre la mĂȘme efficacitĂ© que le traitement par gonadotrophines (mĂȘme taux de grossesse) (1) 

Enfin, il faut savoir que mĂȘme si le drilling ovarien ne marche pas, les patientes ne repartent pas systĂ©matiquement sur les gonadotrophines mais peuvent retenter le Clomid et avoir de meilleurs rĂ©sultats. Le drilling permet de potentialiser les effets des traitements comme le Clomid ou les gonadotrophines et limite le risque d’hyperstimulation.

Pourquoi le drilling ovarien est aujourd’hui peu proposĂ© en France ?

Le drilling ovarien est peu proposĂ© en France car c’est un geste chirurgical donc considĂ©rĂ© comme invasif. Comme c’est un geste peu pratiquĂ©, les techniques Ă©taient jusqu’à maintenant peu dĂ©veloppĂ©es De plus, les patientes qui pourraient bĂ©nĂ©ficier d’un drilling font partis d’un circuit PMA sont orientĂ©es dans des circuits de PMA oĂč les mĂ©decins qui y travaillent ne sont pas toujours chirurgiens. Pour le moment, le drilling reste un acte chirurgical qui doit ĂȘtre rĂ©alisĂ© par un personnel mĂ©dical formĂ©.

Existe-t-il des contre-indications ?

Il n’existe pas de rĂ©elles contre-indications au drilling ovarien mais plutĂŽt certains profils chez qui les rĂ©sultats statistiques sont un peu moins bons (2). Ce qui je le rappelle n’empĂȘche pas une grossesse d’arriver, on parle ici de statistiques ! 

  • Les patientes en situation d’obĂ©sitĂ© avec un IMC > 35 ont de moins bons rĂ©sultats. Cela ne sera pas pour autant discriminant et cette mĂ©thode pourra tout de mĂȘme ĂȘtre proposĂ©e.
  • Les femmes trĂšs minces avec un IMC< 26 sont les profils les plus difficiles Ă  traiter en infertilitĂ© (que ce soit avec des mĂ©thodes de stimulation hormonale ou avec le drilling ovarien). Il n’existe pas de contre-indication au drilling.
  • L’infertilitĂ© trĂšs prolongĂ©e offre Ă©galement moins de rĂ©sultats mais n’est pas une contre-indication.

Les méthodes du drilling ovarien

Au fil des annĂ©es, les mĂ©thodes pour pratiquer le drilling ovarien se sont perfectionnĂ©es. L’acte chirurgical est de moins en moins invasif et les risques de complications liĂ©es Ă  la chirurgie sont aujourd’hui trĂšs faibles.

Revenons sur les diffĂ©rentes techniques du drilling ovarien  (3).

La mĂ©thode initiale : coelioscopie voie haute 

A l’origine, le drilling ovarien Ă©tait pratiquĂ© par coelioscopie voie haute. De petites incisions de la paroi abdominale sont rĂ©alisĂ©es et permettent d’accĂ©der Ă  l’intĂ©rieur de l’abdomen. Les incisions se situent sous le nombril, de chaque cĂŽtĂ© du pelvis, et juste au-dessus du pubis. Une petite pointe est utilisĂ©e en association avec de l’énergie bipolaire pour rĂ©aliser l’acte chirurgical (perforation de chaque ovaire d’une dizaine de trous). Cette Ă©nergie bipolaire est prĂ©fĂ©rable par rapport Ă  une Ă©nergie monopolaire car elle permet d’avoir moins d’adhĂ©rences aprĂšs l’opĂ©ration.

DRILLING OVARIEN PAR COELIOSCOPIE VOIE HAUTE

La mĂ©thode amĂ©liorĂ©e : coelioscopie par voie vaginale (4) 

Depuis 2 ans, une nouvelle mĂ©thode s’est dĂ©veloppĂ©e : la coelioscopie par voie vaginale, qu’on appelle Ă©galement V notes. Une incision est rĂ©alisĂ©e au fond du vagin pour accĂ©der aux ovaires. Ensuite, une petite pointe ainsi qu’une Ă©nergie bipolaire est Ă©galement utilisĂ©e pour rĂ©aliser les micro-perforations de l’ovaire.

Cette technique a plusieurs avantages :

  • La voie vaginale offre un accĂšs facilitĂ© chez les patientes en situation d’obĂ©sitĂ© (par rapport Ă  la voie abdominale)
  • Il n’y a pas de cicatrice visible car l’incision est rĂ©alisĂ©e au fond du vagin. Le vagin Ă©tant par ailleurs le tissu qui cicatrise le mieux du corps. Il n’y a aucune sĂ©quelle fonctionnelle, ni gĂȘne ou douleur intime des suites de cette opĂ©ration.
  • Il existe trĂšs peu de douleur post-opĂ©ratoire contrairement Ă  la mĂ©thode prĂ©cĂ©dente par coelioscopie voie haute.
  • Cette technique est plus confortable et plus facile pour l’opĂ©rateur.

Cette technique par voie vaginale est aujourd’hui davantage recommandĂ©e que la coelioscopie par voie haute.

Les 2 mĂ©thodes Ă©voquĂ©es prĂ©cĂ©demment restent des chirurgies « invasives Â», rĂ©alisĂ©es sous anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale et peuvent donc rĂ©freiner certains mĂ©decins ou patientes.

Aujourd’hui, une nouvelle mĂ©thode trĂšs prometteuse a vu le jour et permet de rĂ©pondre justement Ă  ces rĂ©ticences.

Une nouvelle technique : le « Ovarian RebalancingTM Â» de May Heath, une possible alternative au drilling ovarien, actuellement Ă  l’étude qui s’apparente Ă  la ponction ovocytaires

Une Ă©tude clinique rĂ©cente a examinĂ© une nouvelle procĂ©dure appelĂ©e Ovarian Rebalancingℱ destinĂ©e Ă  traiter les femmes qui souffrent d’infertilitĂ© liĂ©e au SOPK, qui n’ovulent pas ou de maniĂšre irrĂ©guliĂšre et qui rĂ©sistent aux mĂ©dicaments de premiĂšre ligne pour l’induction de l’ovulation. La procĂ©dure Ovarian Rebalancingℱ a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par May Health en partie sur la base de l’efficacitĂ© clinique du drilling ovarien laparoscopique, mais elle peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e sans anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale. Cette procĂ©dure expĂ©rimentale est actuellement Ă©valuĂ©e dans le cadre d’Ă©tudes cliniques menĂ©es dans 7 hĂŽpitaux rĂ©partis dans 4 pays : France (HĂŽpital BicĂȘtre), Royaume-Uni, Belgique et États-Unis.

À l’hĂŽpital BicĂȘtre et selon leurs standards, avant le dĂ©but de l’intervention, la patiente reçoit des mĂ©dicaments pour gĂ©rer la douleur, notamment des analgĂ©siques oraux et un anesthĂ©sique local, qui est injectĂ© dans le col de l’utĂ©rus. Elle est Ă©galement Ă©quipĂ©e d’un casque de rĂ©alitĂ© virtuelle.

Similaire au prĂ©lĂšvement d’ovule rĂ©alisĂ© dans le cadre d’une FIV, la technique Ovarian RebalancingTM s’appuie sur l’utilisation de la sonde transvaginale pour identifier les structures anatomiques du pelvis fĂ©minin, par Ă©chographie sans qu’il soit nĂ©cessaire de procĂ©der Ă  des incisions abdominales. On dit que la technique est Ă©choguidĂ©e.

Sur cette sonde est fixĂ©e une aiguille semblable en dimension Ă  une aiguille de ponction d’ovocytes incluant Ă  son extrĂ©mitĂ© un cathĂ©ter, contenant deux Ă©lectrodes, qui, une fois activĂ©es chaufferont et dĂ©truiront le tissu ciblĂ© dans l’ovaire. L’aiguille est introduite dans l’ovaire Ă  travers la paroi du vagin. Contrairement au drilling ovarien conventionnel, aucune incision abdominale n’est pratiquĂ©e et il n’y a pas de cicatrices externes Ă  la fin de l’intervention

La technique peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en environ 1 heure et les patients peuvent ensuite rentrer chez elles le jour mĂȘme.

Les Ă©tudes cliniques sont toujours en cours, et les premiers rĂ©sultats d’efficacitĂ© et de sĂ©curitĂ© aprĂšs 3 mois de suivi seront publiĂ©s dĂ©but 2024.

Nous espĂ©rons vivement que la technique de Ovarian Rebalancingℱ prometteuse, se dĂ©mocratise et puisse prochainement ĂȘtre rĂ©alisĂ© par les professionnels qui pratiquent dĂ©jĂ  la FIV, en centres PMA (circuit classique).

OVARIAN REBALANCINGℱ PAR LA MÉTHODE DE MAY HEALTH

Existe-t-il des risques  ?

Comme tout acte chirurgical, il existe toujours un risque liĂ© au geste opĂ©ratoire. Le risque principal est d’avoir une plaie des organes avoisinants (risque vasculaire ou du tube digestif). Ce risque est extrĂȘmement rare : il est infĂ©rieur Ă  1% dans les drillings par coelioscopie.

Un des objectifs de la technique de May Health est de limitĂ© le risque d’adhĂ©rence en utilisant une Ă©nergie bipolaire (localisĂ©e) et en rĂ©duisant au maximum le nombre de perforation de l’ovaire. La possibilitĂ© de rĂ©aliser la procĂ©dure sous anesthĂ©sie locale ou sĂ©dation lĂ©gĂšre permet de s’affranchir des risques de l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale, nĂ©cessaire pour une un drilling par coelioscopie.

OĂč peut-on pratiquer un drilling ovarien ?

Le drilling ovarien par coelioscopie peut ĂȘtre pratiquĂ© par un chirurgien dans un hĂŽpital ou une clinique spĂ©cialisĂ©e en fertilitĂ©.

La pratique du drilling ovarien, Vnotes et Ovarian Rebalancing au CHU de BicĂȘtre :

Le CHU de BicĂȘtre pratique principalement le drilling Vnotes (coelioscopie par voie vaginale) avec exploration de la cavitĂ© et des trompes dans le mĂȘme temps. Le drilling par voie coelioscopique abdominale est conservĂ© dans certaines indications (abord vaginal difficile, geste chirurgical associĂ© nĂ©cessitant un abord abdominal, etc.) 

Concernant la technique Ovarian Rebalancingℱ, l’essai clinique ULTRA se poursuit Ă  l’hĂŽpital universitaire de BicĂȘtre. Cependant, le recrutement s’est terminĂ© en mai 2023, ce qui signifie que l’Ă©tude n’est plus ouverte Ă  de nouvelles patientes. Les patientes ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© de la procĂ©dure May Health seront suivies jusqu’Ă  24 mois aprĂšs leur intervention afin d’Ă©tudier les effets de la procĂ©dure sur la fertilitĂ© et l’Ă©volution d’autres paramĂštres tels que les variations de leur taux d’hormones, l’acnĂ© ou l’hirsutisme. Pour plus d’informations : site internet de May Health. Une Ă©tude clinique de plus grande envergure devrait dĂ©buter aux États-Unis Ă  la fin de l’annĂ©e 2023.

Avec l’association SOPK Europe, nous remercions chaleureusement le Docteur Margaux JEGADEN pour sa disponibilitĂ© et sa contribution.


Références :

(1) Bordewijk EM, Ng KYB, Rakic L, Mol BWJ, Brown J, Crawford TJ, et al. Laparoscopic ovarian drilling for ovulation induction in women with anovulatory polycystic ovary syndrome. Cochrane Database Syst Rev. 11 févr 2020;2:CD001122.

(2) Debras E, Fernandez H, Neveu ME, Deffieux X, Capmas P. Ovarian drilling in polycystic ovary syndrome: Long term pregnancy rate. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol X. oct 2019;4:100093.

(3) Jegaden M. and al. Innovations in surgery to perform an ovarian drilling. https://doi.org/10.1016/j.jogoh.2022.102499. J Gynecol Obstet Hum Reprod 2023

(4) Jegaden M, Debras E, Pourcelot AG, Capmas P, Fernandez H. vNOTES for Ovarian Drilling: A New Minimal Invasive Technique. J Minim Invasive Gynecol. 11 juin 2022;S1553-4650(22)00244-8.

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