J’ai reçu plusieurs témoignages de femmes, en situation de surpoids, qui ont eu une mauvaise expérience avec quelques professionnels de santé au cours de leurs parcours pour l’accès aux différents traitements, proposés pour la fertilité, en centre AMP. Leur surpoids étant considéré comme un frein à l’accès aux traitements.
Elles m’ont rapporté leurs frustrations, leurs peurs et leurs colères.
Je tiens à souligner par ailleurs le travail remarquable d’accompagnement de la majorité des médecins ou professionnels de santé.
Cela fait peut-être des années que vous essayez vous aussi de perdre du poids sans succès, peut être que même actuellement vous vous affamez sans aucun résultat, ou bien peut- être que vous avez été très vigilante un temps – au prix de beaucoup d’efforts – mais que cela n’était pas assez concluant et que vous avez abandonné, peut-être également que votre désir d’enfant est très fort et que vous ne souhaitez pas que l’accès à la PMA se résume à un chiffre sur une balance.
Je vous comprends et je condamne (comme beaucoup de médecins le font aussi) toute forme de grossophobie.
La gestion du surpoids et de l’obésité dans le cadre de l’amélioration de la fertilité est un réel sujet mais celui-ci doit être amené avec bienveillance, respect et pédagogie.
L’indélicatesse, la maladresse ou la brutalité de certains propos sur le surpoids ou l’obésité ne doivent pas vous détourner du message qui lui, reste essentiel : la nécessité d’atteindre un « poids de forme » pour améliorer la fertilité.
Avec cet article, je souhaite vous donner les explications et les raisons qui font qu’atteindre un poids de forme est un enjeu important pour la fertilité mais aussi pour limiter les risques à venir pour la mère et l’enfant. Malgré la grande compétence des médecins, ces notions ne sont pas toujours bien expliquées et développées ce qui peut nourrir l’incompréhension et la frustration des femmes en désir de grossesse.
Loin de moi l’idée de vous accabler mais simplement de vous donner les clés de lecture.
Loin de moins non plus, l’idée de plébisciter l’apologie de la « minceur ». J’emploie régulièrement dans cet article l’expression « poids de forme » qui ne correspond pas forcément à une « taille 38 » mais bien au poids dans lequel vous êtes en pleine forme : sans difficulté particulière, avec une bonne humeur, un bon moral, un équilibre hormonal, une belle énergie, un sommeil de qualité, une libido présente.
Les éléments expliqués ici s’adressent aux femmes en surpoids. Il n’y a aucun intérêt à perdre du poids chez les femmes qui ont atteint leur poids de forme ou qui sont en insuffisance pondérale. Au contraire, les femmes en sous-poids doivent elles aussi regagner un poids de forme pour leur santé globale, leur équilibre hormonal et leur fertilité.
Pourquoi le surpoids ou l’obésité peuvent nuire à la fertilité ?
Le surpoids très marqué peut conduire à des troubles hormonaux (excès d’œstrogènes en particulier). En effet, les cellules adipeuses (les cellules graisseuses) possèdent une enzyme qui permet de transformer les hormones mâles en œstrogènes . Les œstrogènes en excès vont avoir un effet négatif sur le cerveau en inhibant la sécrétion des hormones produites par ce dernier (GnRH, FSH et LH).
Ces hormones conduisent normalement à la maturation d’un follicule dominant et la libération de celui-ci (= ovulation). Ainsi, le surpoids peut perturber le cycle féminin et l’ovulation : il diminue les chances de grossesse, spontanées ou bien en PMA.
Il peut y avoir également une « adipo-toxicité » : la production de certaines molécules, par le tissu adipeux, serait toxique soit sur l’endomètre, soit sur l’ovocyte et favoriserait une infertilité ou des fausses couches.
Les études montrent que pour une personne en surpoids atteinte du Syndrome des ovaires Polykystiques (SOPK), une perte de poids de 5 à 10% du poids initial permettrait d’améliorer la résistance à l’insuline, de régulariser les cycles et de rétablir l’ovulation permettant ainsi des grossesses spontanées.
Prenons un exemple concret : une personne pesant 100 kg commencerait à améliorer sa fertilité en passant par exemple à 95 kg (-5% de son poids initial).
La fertilité améliorée lors de la prise en charge du surpoids
Le cheminement vers un poids de forme permet d’améliorer :
- Les ovulations et les grossesses naturelles spontanées
- Les chances de grossesses dans le parcours PMA
- L’efficacité des traitements hormonaux pendant le protocole PMA : une femme avec un poids de forme réagira plus rapidement et plus efficacement aux traitements hormonaux. A l’inverse, pour une femme en situation de surpoids, les traitements seront moins efficaces et les quantités d’hormones devront être augmentées. Or certains traitements hormonaux ne peuvent être augmentés à partir d’un certain seuil.
Je vais prendre une analogie qui m’a été contée par le Docteur Maëliss Peigné, gynécologue spécialisée en médecine de la reproduction. Imaginons que le corps de la femme soit un verre d’eau et les traitements hormonaux un sirop à la grenadine. Plus le verre d’eau est petit, plus la boisson sera concentrée en sirop. A l’inverse, pour une même quantité de sirop, si le verre d’eau est + grand, la grenadine sera plus diluée.
Ainsi, les traitements hormonaux (la grenadine) seront moins « concentrés », moins efficaces si on est sujette au surpoids. On pourrait alors proposer de rajouter du sirop de grenadine pour atteindre une concentration intéressante mais les traitements hormonaux ont des limites qu’on ne peut dépasser.
Risques diminués grâce à la prise en charge du surpoids
Le cheminement vers un poids de forme permet de diminuer :
- Les risques pour la maman :
Diminution du risque de diabète gestationnel, d’hypertension artérielle, de prééclampsie.
De plus, le surpoids peut engendrer une moins bonne contractilité utérine et une diminution de travail spontané. Ceci peut augmenter le recours à l’accouchement par césarienne ou l’accoudement déclenché.
- Les risques pour le futur bébé :
Le surpoids chez la maman augmente le risque de naissance de bébé « macrosome », c’est-à-dire un bébé avec un poids important ce qui peut compliquer l’accouchement et exposer à des risques plus importants d’hypoglycémie et d’hypocalcémie du nouveau-né. Cela peut également augmenter le risque de développer une obésité dès l’enfance et des maladies métaboliques à l’âge adulte.
Le monitorage fœtal est également plus difficile chez les femmes en surpoids du fait de la mauvaise pénétration des ultra-sons à travers la paroi abdominale.
- Les risques de fausses couches
Les objectifs à atteindre lorsque l’on est en surpoids pour un parcours PMA
En général, ce qui est demandé en centre AMP c’est d’être dans une dynamique de perte de poids et dans une zone moins à risque pour les risques obstétriques.
Prise en charge du surpoids pour améliorer sa fertilité :
L’obésité est une maladie multifactorielle qu’il convient à mon sens d’accompagner correctement; avec un parcours personnalisé pour chacune :
- Recherche et gestion d’une éventuelle inflammation de bas grade, résistance à l’insuline, de pathologie métabolique (diabète de type2, hyper-cholestérolémie ou triglycéridémie), mesure de la pression artérielle.
- Dans un premier temps, prise en charge du surpoids avec de mesures hygiéno-diététiques qui englobent : une alimentation équilibrée et adaptée et une activité physique régulière. Il a été démontré qu’une prise en charge intensive des habitudes de vie permet de restaurer la fertilité tout en diminuant les risques de complications en grossesse.
- Dans certains cas extrêmes, après échec des mesures hygiéno-diététiques et un consensus d’une équipe pluridisciplinaire sur critères médicaux, nutritionnels et psychologiques, une chirurgie pour l’obésité peut être proposée. Attention, je précise que la chirurgie bariatrique comporte de nombreux risques et exposent à des complications sur le long terme : dépression, addictions, risque suicidaire, trouble du transit, carence et conséquences nutritionnelles qui ne doivent pas être sous- estimées. Une malabsorption des nutriments est une conséquence systématique de ce type d’intervention. Ce type de chirurgie représente une contre-indication à la grossesse durant 12 à 18 mois post procédure. Une complémentation spécifique à vie en micronutriments est indispensable chez ces femmes, et d’autant plus avant et pendant une grossesse.
- Prise en charge du microbiote intestinal : certaines bactéries permettent d’optimiser le métabolisme insulinoglucidique, de réduire l’insulinorésistance et l’hyperinsulinisme, de diminuer la masse grasse corporelle et de limiter l’inflammation. Ces bactéries font souvent défaut chez les personnes en situation d’obésité.
- Prise en en charge d’une éventuelle hypothyroïdie vraie ou frustre qui peut aggraver le surpoids, l’infertilité et le risque de fausse couche.
- Prise en charge des troubles du comportement alimentaire
- Prise en charge psycho-émotionnelle
Le surpoids n’est pas une fatalité. Je vous recommande de vous faire accompagner dans la perte de poids et des troubles associés par différents professionnels, suivant les besoins : endocrinologue, diététicien, gynécologue spécialisé en fertilité, psychologue mais aussi accompagnements complémentaires avec un naturopathe ou un coach sportif par exemple.
Certains hôpitaux ou centres PMA proposent également un accompagnement psychologique, des séances avec un.e ditéticien.ne et des séances de sports adaptés.
Comment la naturopathie peut m’aider dans mes objectifs de perte de poids dans le cadre d’un projet bébé ?
En tant que naturopathe, je peux vous accompagner à différents niveaux :
– Meilleure compréhension de votre corps et du fonctionnement de votre métabolisme
– Perte de poids et stabilisation
– Analyses fonctionnelles et nutritionnelles pour mettre en évidence d’éventuels éléments qui freinent la perte de poids
– Mise en place d’une alimentation adaptée et personnalisée suivant vos besoins
– Accompagnement psycho-émotionnel, avec en particulier gestion du stress et travail sur un sommeil de qualité
– Accompagnements des pathologies associées : résistance à l’insuline, hypothyroïdie, diabète, douleurs, inflammation, en complément d’un suivi médical conventionnel
– Travail sur la santé intestinale et sur un microbiote de qualité
– Proposition de compléments de santé naturelle pour soutenir le corps et combler d’éventuelles carences
Petit aparté sur l’obésité masculine et l’infertilité
Je précise également que le surpoids et l’obésité masculine sont également responsables d’une baisse de la fertilité chez l’homme avec des risques de :
- Concentration insuffisante de spermatozoïdes (oligozoospermie)
- Pourcentage élevé de spermatozoïdes présentant des anomalies ou une altération de leur morphologie (teratospermie)
- Baisse du taux de la testostérone totale au profit des œstrogènes : rappelons-nous, le tissu adipeux est responsable de la conversion de la testostérone en œstrogènes !
- Augmentation des dysfonctions sexuelles
Les conseils généraux donnés dans cet article ne peuvent se substituer à une vraie consultation avec un naturopathe ou à un RDV avec son médecin.
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SOPK et infertilité : Comprendre les traitements possibles en PMA
Lexique :
- AMP ou PMA : La procréation médicalement assistée (PMA) est aussi appelée « assistance médicale à la procréation (AMP) ». Le terme « assistance médicale à la procréation » est celui qui est inscrit dans la loi de bioéthique mais le terme le plus souvent utilisé est PMA.
- FSH : Hormone Folliculo Stimulante : La FSH une hormone synthétisée par l’hypophyse, une petite glande située à la base du cerveau. Elle est associée au cycle menstruel et développement des follicules chez la femme.
- LH : Hormone Lutéinisante : La LH est sécrétée par l’hypophyse, elle provoque l’ovulation chez la femme
- GnRH : Gonadotropin-Releasing Hormone est une neurohormone produite par l’hypothalamus. Elle contrôle la sécrétion des hormones FSH et LH qui orchestrent le cycle menstruel féminin.
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